Préparez vos entreprises à la transparence salariale


Un article rédigé par :
Philippe HANCART- Associé – Directeur Transformations et Transitions Professionnelles – Sémaphores – in
La directive européenne sur la transparence des rémunérations, adoptée en mars 2023, marque une étape cruciale dans la lutte contre les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Cette directive, qui doit être transposée en droit français d’ici juin 2026, impose aux entreprises de nouvelles obligations visant à garantir une plus grande transparence et équité dans les politiques de rémunération.
Contexte et objectifs de la directive
La directive européenne sur la transparence des rémunérations a été motivée par le constat persistant des inégalités salariales au sein de l’Union européenne. Selon les chiffres d’Eurostat, en 2023, les femmes gagnaient en moyenne 13 % de moins que les hommes pour un travail équivalent. En France, en 2024, l’Insee mesurait un écart salarial annuel dans le secteur privé de 14,9% également à temps de travail équivalent. Cette directive vise donc à pallier le manque de transparence qui empêche souvent encore de réduire la discrimination salariale envers les femmes.
Les principaux objectifs de la directive sont au nombre de trois :
- Renforcer l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes pour un même travail ou un travail de valeur égale et ce, selon une acception large de la notion de rémunération en ne se limitant pas au salaire de base, mais à l’ensemble des compléments et accessoires de salaire ;
- Interdire toute discrimination directe ou indirecte en matière de rémunération fondée sur le sexe ;
- Améliorer la transparence des rémunérations et l’application du droit à l’égalité des rémunérations en fixant notamment un droit individuel à l’information opposable à l’employeur.
Zoom sur les principales dispositions de la directive
La directive impose plusieurs mesures clés aux employeurs des secteurs public et privé :
- Droit à l’information : Les travailleurs ont le droit de demander des informations sur leur niveau de rémunération individuel et les niveaux de rémunération moyens, ventilés par sexe, pour les catégories de travailleurs accomplissant le même travail.
- Transparence lors du recrutement : Les employeurs doivent informer les candidats du salaire de départ ou de la fourchette de rémunération initiale des postes publiés. Ils ne peuvent pas interroger les candidats sur leur historique de rémunération. Objectif : éviter le biais dit de « négociation ».
- Publication des écarts de rémunération : Les entreprises doivent publier les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et prendre des mesures correctives en cas d’écart supérieur à 5 %.
- Sanctions : Des sanctions dissuasives, notamment des amendes, seront infligées aux employeurs qui ne respectent pas les règles.
L’impact sur les entreprises françaises
Toutes les entreprises sont concernées par les obligations générales, comme l’interdiction de demander l’historique de rémunération des candidats ou l’obligation d’indiquer la fourchette salariale dans les offres d’emploi et ce à compter de juin 2026.
S’agissant de l’obligation de reporting, il est prévu un échelonnement de la date de publication du premier rapport en fonction de la taille de l’entreprise. L’obligation se décline selon les seuils suivants :
- Entreprises < 100 salariés ne sont pas concernées par ce reporting ;
- Entreprise ayant entre 100 et 149 salariés : le rapport est à produire d’ici 8 ans (soit à compter du 7 juin 2031), puis tous les 3 ans ;
- Entreprises > 150 salariés : le rapport est à produire 4 ans après l’entrée en vigueur de la Directive, soit à compter du 7 juin 2027, puis tous les ans.
La transposition de cette directive en droit français représente un défi majeur pour les PME et les ETI. Une étude de PageGroup réalisée en 2024 révèlait que six entreprises sur dix devront adapter leur politique de rémunération pour se conformer à cette directive. De plus, une entreprise sur deux n’a pas ou a une mauvaise connaissance de la directive, ce qui souligne la nécessité d’une sensibilisation accrue.
Les entreprises devront également faire face à des défis culturels et organisationnels. L’étude souligne en effet qu’un risque majeur serait un lissage des rémunérations, pouvant amener à ne plus valoriser les salariés sur le principe de la méritocratie augmentant les contestations sur l’évaluation de performance. L’application de la transparence des rémunérations entraînera vraisemblablement des questions et des négociations salariales plus fréquentes de la part des salariés, ainsi qu’une révision des critères d’évaluation de la performance. Il y a fort à parier que le nombre d’actions judiciaires augmente également sur le terrain de la discrimination salariale. Rappelons en effet que dans le cadre de la directive la charge de la preuve incombe désormais à l’employeur, qui doit expliquer ou démontrer qu’aucune discrimination n’a eu lieu.
Se préparer
La directive est certes une contrainte, mais c’est aussi une opportunité stratégique pour renforcer l’équité et la confiance au sein des entreprises. Les entreprises doivent anticiper et se préparer. De façon non exhaustive, nous listons ci-après quelques actions.
- Audit des rémunérations : C’est sûrement l’étape la plus importante. Les entreprises les plus grandes ont mis en place des audits et des analyses et les partagent avec leurs représentants du personnel. Pour celles qui ne l’auraient pas fait, un diagnostic approfondi de l’égalité professionnelle doit être réalisé pour identifier les écarts de rémunération et envisager des mesures correctives.
- Base de données salariales : L’application de la directive rend nécessaire un travail de regroupement en métier-repère permettant l’identification des emplois de « valeur équivalente ». Et pour chacun de ces emplois de valeur équivalente, devra être constituée la documentation regroupant les données de salaire permettant le calcul de la moyenne permettant la réponse au droit individuel à l’information. Ce jeu de données pourra s’ajouter à la BDESE (Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales) en place pour les entreprises relevant de cette obligation.
- Mise à la conformité : Nous ne saurions que trop recommander de travailler sur les écarts qui seraient constatés aujourd’hui pour les traiter lors des prochaines NAO et éviter un choc de mise en conformité lors de l’entrée en vigueur de la directive en juin 2026.
- Communication : Le partage de ces données et du travail de l’entreprise pour assurer la transparence des rémunérations et leur équité est de nature à réduire les actions de contestation. Nous invitons les entreprises à communiquer auprès de leurs représentants du personnel cette information.
- Reporting : L’obligation n’est pas immédiate, mais travailler déjà à la structure de ce reporting structure la politique de rémunérations de l’entreprise. Là aussi nous conseillons d’en faire un outil de gestion des ressources humaines.
La directive européenne sur la transparence des rémunérations représente une avancée significative vers une plus grande équité salariale. Chez Sémaphores, nous sommes prêts à accompagner les entreprises dans cette transition, en leur offrant des solutions adaptées pour se conformer aux nouvelles exigences et tirer parti de cette opportunité pour renforcer la confiance et l’engagement de leurs salariés.