La newsletter Sémaphores - Mai 2025 - Aborder le sujet de la diversité en entreprise : exemple par le handicap

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Mai 2025

Développement du Capital Humain

Aborder le sujet de la diversité en entreprise : exemple par le handicap

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La newsletter Sémaphores - Mai 2025 - Aborder le sujet de la diversité en entreprise : exemple par le handicap

Un article rédigé par :

Benjamin Weil – Responsable communication et E-learning – TH Conseil –  in

« Nous sommes ravis d’accueillir une personne euh… enfin quelqu’un comme vous quoi ! ». La bonne intention laisse place à l’embarras. Quels mots pour désigner ces « gens comme vous » ? Comment nommer les choses sans « ajouter au malheur du monde » de l’entreprise ? Ou, pour laisser Camus en paix : comment aborder les diversités[1] sans froisser son interlocuteur, ni se rendre coupable de « crime de lèse-inclusivité » ?

Entre une terminologie réductrice d’une part, et la dilution du réel en périphrases de l’autre, nous évoluons sur un chemin de crête ! L’histoire du vocabulaire autour du handicap est à ce titre révélatrice de l’évolution des regards portés sur la différence.

Détour historique

Infirme, estropié, aliéné, invalide… Le glossaire désignant les personnes handicapées charrie des représentations diverses au fil des âges.

Porteur d’une « tare » individuelle dans une société où l’approche religieuse domine, le « fou », « bossu » ou « aveugle » est ensuite maintenu à « distance sacrée »[2] par l’Hôpital général sous Louis XIV. L’approche caritative portée par le Siècle des Lumières pose un premier jalon « d’inclusivité » par la volonté d’instruire les « infirmes » (premières écoles pour personnes sourdes ou aveugles). La charité chrétienne est ensuite supplantée par le devoir d’assistance par la Révolution.

Le siècle de Germinal et ses conditions de travail multiplient la proportion de personnes concernées par un handicap : « l’infirmité » n’est plus seulement personnelle mais revêt désormais une dimension sociale. C’est la 1ère Guerre Mondiale et son cortège de « mutilés » et « d’invalides » qui pose la notion de responsabilité sociale : un devoir d’assistance et de réinsertion s’impose à la nation reconnaissante.

Pris la main dans le… chapeau

Au cours de la seconde moitié du XXème siècle, le mot « handicap » s’impose. Cet anglicisme (bien français[3]), tiré de l’expression « hand in cap », fait référence à un jeu d’échanges d’objets à l’aveugle contrôlé par un arbitre garant de l’égalité des chances entre les joueurs. Le vocable fait son entrée dans nos textes de loi, décliné en « travailleur handicapé » ou « personne handicapée ». Associé à la notion de rééquilibrage des chances, le terme handicap sous-tend que « l’inadaptation » de l’individu est aussi celle du groupe social et de son environnement : c’est cette philosophie qui inspire la loi handicap de 1975.

Vers la fin des années 2000, la périphrase « personne en situation de handicap » fait florès dans les PowerPoint et communications institutionnelles, bien qu’elle soit absente de tout texte de loi sur le sujet.

Au-delà des querelles linguistiques : rester factuel et précis

Faites ce petit sondage autour de vous en demandant quelle expression semble la plus appropriée : « un handicapé », « une personne handicapée » ou bien « une personne en situation de handicap » ? Il y a fort à parier que le premier choix soit rejeté (sans que votre interlocuteur ne sache forcément l’expliciter). C’est peut-être parce que le fait de désigner un groupe d’individus divers et variés sous un substantif (un « handicapé », un « petit », etc.) revient un peu à transformer un adjectif en ce qui le définit (en substance), ramenant l’individu à son handicap, un peu comme si c’était son métier (« j’ai vu un handicapé », « j’ai consulté un psychologue »[4]).

Sans verser dans une police du langage, nous pouvons nous accorder sur certains termes à proscrire, car imbibés de représentations phagocytant la réalité. C’est le cas notamment des expressions sous-tendant un champ lexical émotionnel (« être touché par », « souffrir d’un » handicap, etc.), à éviter au profit de termes plus neutres.

En situation de handiplâtre…

De manière intéressante, nombre de nos semblables trouveront déplaisant de parler de « travailleurs handicapés » ou de « personnes handicapées », bien que ces expressions jouissent d’une légitimité réglementaire tout en étant factuelles. Deux exemples.

Une personne avec une jambe plâtrée et en béquille pendant 3 mois , devant se rendre quotidiennement à son travail en prenant des escaliers est en « situation de handicap » à cet instant. Elle n’est cependant pas pour autant reconnue comme « personne handicapée » de ce fait : la « limitation […] subie dans son environnement » n’étant pas suffisamment « durable » (selon les termes de la loi de février 2005).

En revanche, une personne se déplaçant en fauteuil roulant dans un environnement parfaitement accessible ne subira probablement pas de désavantage « substantiel » sur son lieu de travail[5]. S’il s’agit bien ici d’une « personne handicapée », celle-ci n’est pas pour autant « en situation de handicap » à cet instant !

Par peur de froisser, le recours à une novlangue édulcorée peut d’ailleurs véhiculer des contresens. Pour rester dans le domaine du handicap : « malvoyant » est souvent utilisé à tort comme synonyme d’« aveugle »[6].

Conclusion

Œuvrer pour une meilleure intégration des diversités en milieu professionnel passe bien entendu par une certaine rigueur sémantique. Un choix de tournures plus neutres peut en effet contribuer à « changer les regards » sur un sujet, comme en témoigne l’évolution du lexique autour du handicap.

Cet effort gagnera à s’affranchir de tout bagage émotionnel ou dogmatique[7], pour porter sur une approche factuelle des thématiques diversité, équité et inclusion. Rappelons que c’est davantage le regard porté sur un phénomène qui est nuisible, plutôt que le vocable utilisé. En un mot, dédramatisons !

Pour aller plus loin :

[1] Votre serviteur plaide cette fantaisie d’orthographier « diversités » au pluriel. D’un point de vue réglementaire, en milieu professionnel, la diversité pourrait se définir comme le reflet d’une pluralité de collaborateurs au regard des critères de non-discrimination prohibés (les 27 critères du Défenseur des droits). Dans un sens plus large, nous pourrions également parler d’acceptation des différences.

[2] Michel Foucault.

[3] Nos voisins d’outre-Manche préfèrent en effet le terme de « Disability ».

[4] On objectera à raison que réduire une personne à son métier n’est pas nécessairement pertinent non plus !

[5] Exemple à nuancer dans la mesure où le désavantage dans la vie quotidienne ainsi qu’en société est avéré.

[6] Les sens des deux mots divergent en termes de degré : une personne aveugle se caractérise par une absence totale de vision ou une perception résiduelle très faible, tandis que celle malvoyante conserve une capacité visuelle fonctionnelle, quoique réduite.

[7] Il ne s’agit pas non plus de morigéner votre voisin d’Open Space parlant « des handicapés », même s’il en vient à malmener le « h » aspiré en prononçant « des z’handicapés » !

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