La newsletter Sémaphores - Juin 2022 / Impact de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail sur les politiques handicap

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Juin 2022

Inclusion, Equité, & Singularités

Impact de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail sur les politiques handicap

La newsletter Sémaphores - Juin 2022 / Impact de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail sur les politiques handicap

La loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 « pour renforcer la prévention en santé au travail » retranscrit dans le Code du travail l’accord national interprofessionnel (ANI) du 9 décembre 2020 « pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail ». Elle est entrée en vigueur le 31 mars 2022.

>> Cette loi apporte-t-elle des réponses dans le cadre d’une politique handicap ?

Rappelons les objectifs annoncés par la loi :

  • Renforcer la prévention au sein des entreprises;
  • Passer d’une culture de la réparation à une culture de la prévention;
  • Décloisonner la santé publique et la santé au travail;
  • Moderniser les Services de Santé au Travail (SST) renommés Services de Prévention et Santé au Travail (SPST);
  • Développer les actions de maintien dans l’emploi et de prévention du risque de désinsertion professionnelle.

Ainsi présentée, le dernier objectif énonce clairement que cette loi vise à encadrer & optimiser le maintien en activité des salariés, a fortiori pour ceux qui intéressent ici, les salariés reconnus travailleurs handicapés.

>> Maintien en emploi, quèsaco ?

Le maintien en emploi peut être défini comme un ensemble d’actions menées par un employeur, pour permettre à un salarié rencontrant des difficultés de santé ou de handicap, de poursuivre une activité professionnelle. Il existe 3 niveaux de maintien en emploi : sur le poste moyennant des aménagements des conditions de travail, sur un autre poste dans l’entreprise (mobilité) avec ou sans aménagement du poste cible, en employabilité en dehors de l’entreprise (rupture de la relation contractuelle avec une aide au rebond professionnel via un accompagnement spécifique, un bilan de compétences…).

Le maintien en emploi peut se concevoir sous forme d’un processus en 5 phases :

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>> Impact de loi sur les phases de « détection » et de « suivi »

L’expérience démontre que nombre de situations sont détectées (trop) tardivement, l’alerte étant donnée sur la base de signaux forts (accidents, long arrêt, remise d’une reconnaissance de handicap, inaptitude…) et non suite à l’analyse de signaux faibles. Ce terme, issue de la terminologie des Risques Psychosociaux (RPS) renvoie à des manifestations de moindre importance, qui isolément les unes des autres semblent sans importance (augmentation de taux d’erreurs professionnelles, signes de fatigue, repli sur soi…).

Outre les acteurs internes de l’entreprise (managers, collègues, élus du personnel…) qui jouent naturellement un rôle important dans la phase de détection, il est un acteur qui a un rôle majeur : le médecin du travail. Le manque très important de médecins du travail, leur potentiel éloignement des situations de travail en entreprise posent régulièrement des problèmes aux employeurs et aux salariés.

En modifiant la dénomination des Services de Santé au Travail Interentreprises (SST) en Services de Prévention et de Santé au Travail Interentreprises (SPSTI) le législateur pose le cadre du changement : anticiper devient la règle d’or. Pour ce faire, il faut répondre à la pénurie de médecins :

« Mise en place d’une liste de Médecins Praticiens Correspondants (MPC) par le SPSTI dans le cadre de l’organisation du suivi médico-professionnel des salariés relevant de ses entreprises adhérentes, le SPSTI s’appuiera sur un réseau de médecins praticiens correspondants parmi les médecins de ville (traitant ou autre) constitué pour répondre aux attentes des salariés et des entreprises en matière de santé au travail, dans des limites strictement définies. Par exemple, en cas de non-respect prévisible des délais de réalisation des visites de suivi, le SPSTI devra justifier auprès de l’entreprise adhérente avoir bien effectué la démarche de recours à un MPC et, le cas échéant, se justifier des raisons ayant rendu impossible ce recours. »

Le champ d’intervention du MPC est limité aux actions suivantes :

« Seront concernées les visites médicales initiales, périodiques, et de reprise du travail des salariés relevant de la VIP (hors visite réservée au médecin du travail comme par exemple pour les personnes déjà reconnues travailleurs handicapés). Cette collaboration nouvelle sera formalisée dans le cadre d’un protocole à définir (il comportera notamment un ordre de mission établi par le SPSTI, une fiche d’information sur le poste du salarié et une fiche de liaison entre le MPC et le médecin du travail). »

La loi apporte également une modification importante autour de la notion du secret médical partagé. Dorénavant :

  • Le médecin du travail et le MPC partagent le dossier médical en Santé au Travail (avec l’accord du salarié). Le MPC travaille avec le médecin de santé au travail et agit en collaboration avec lui.
  • Le médecin du travail et le MPC travaillent ensemble afin de reconstituer une vision collective du suivi des salariés à partager avec l’entreprise.

Toujours dans une logique de détection précoce des problématiques, la loi instaure une Visite médicale de mi-carrière professionnelle. Elle a pour objectif :

  • D’établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur, à date, en tenant compte des expositions à des facteurs de risques professionnels auxquelles il a été soumis ;
  • D’évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l’évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel, de son âge et de son état de santé ;
  • De sensibiliser le travailleur aux enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.

>> Impact de la loi sur le rôle du référent handicap

Le référent handicap peut participer aux échanges organisés pour la visite de mi-carrière, à la demande du salarié.

>>Impact de la loi sur la phase « d’instruction »

La phase d’instruction des situations de maintien repose sur une démarche pluridisciplinaire entre les managers, les acteurs RH, les acteurs sociaux, la mission handicap et s’appuie sur les conseils de la médecine du travail. Chaque acteur en présence est détenteur d’un « point de vue » sur la situation et d’un champ de compétences lui permettant d’intervenir. Le point de vue de « ce qui est raisonnable » n’étant pas forcément partagé par l’ensemble des acteurs, il conviendra de parvenir à un compromis.

La loi définit et préside à la création d’une cellule de Prévention de Désinsertion Professionnelle (PDP) au sein du corps médical du travail.

Une cellule doit être mise en place au sein de chaque service de santé au travail et animée par un médecin du travail ou un membre de l’équipe pluridisciplinaire désigné par lui et agissant sous sa responsabilité. Elle a pour mission notamment :

  • De proposer des actions de sensibilisation ;
  • D’identifier les situations individuelles ;
  • De proposer, en lien avec l’employeur et les travailleurs, des mesures individuelles d’aménagement d’adaptation ou de transformation du poste de travail ;
  • De participer à l’accompagnement du travailleur percevant des indemnités journalières éligibles à des actions de prévention de la désinsertion.

Plus précisément, l’article 1.2.3.4 indique « L’objet est de permettre à la cellule PDP d’apporter aux situations individuelles des solutions personnalisées et de proximité, en privilégiant le maintien au poste avec son aménagement. ». Ces cellules, actuellement en test en région AURA, permettront d’associer l’ensemble des acteurs internes aux organismes locaux d’Assurance maladie (services administratifs, service médical…) et externes (médecins du travail, services publics de l’emploi comme les Cap emploi…).

>> La situation des longues absences

Quel employeur n’a jamais confronté à un dilemme, contacter ou ne pas contacter un salarié en arrêt ?

D’un côté le risque encouru en cas de « harcèlement », de l’autre des études sociales qui ont démontré qu’au-delà de 2 à 3 mois d’arrêt les salariés développent des craintes quant à leur retour en entreprise.

Pour clarifier les choses, la loi crée les rendez-vous dits « de liaison » entre le salarié et l’employeur, auxquels sont associés les services de prévention et de santé au travail. Ceux-ci ont lieu lorsque la durée de l’absence au travail liée à une incapacité résultant d’une maladie ou d’un accident est supérieure à une durée fixée par décret.

Ce rendez-vous a pour objectif d’informer le salarié qu’il est en droit de bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, de l’examen de préreprise et de mesures individuelles telles que l’aménagement de son poste de travail mais également l’aménagement de son temps de travail, justifiés par des éléments objectifs tel l’âge ou l’état de santé physique et mental.

Toutefois, ce rendez-vous est organisé à l’initiative de l’employeur ou du salarié, sans que le refus du salarié ne soit nullement sanctionné.

Dans le cas d’arrêts de plus courte durée, dès un mois, la loi prévoit dorénavant, si le salarié le souhaite, un rendez-vous visant à préparer son retour dans l’entreprise et à l’informer des mesures d’accompagnement mobilisables. À noter qu’un certain nombre d’entreprises ont déjà mis en place ce type de rendez-vous.

En cohérence, la visite de préreprise est ouverte à tous les salariés en arrêt de travail de 1 mois contre 3 mois auparavant.

Enfin, l’essai encadré, dispositif de l’Assurance Maladie visant une remobilisation précoce, est destiné aux assurés en arrêt de travail (désormais formalisé dans le Code de la Sécurité sociale Art. D. 323-6).

Ce dispositif permet à un assuré en arrêt de travail de tester ses capacités à reprendre un poste de travail dans son entreprise ou dans une autre entreprise, sans perdre le bénéfice de ses indemnités journalières. Il a été élargi aux stagiaires de la formation professionnelle (loi du 2 août 2021). Sa durée est de 14 jours ouvrables / fractionnables – renouvelable 1 fois (28 J max). Il est mis en place après accord du médecin traitant, avis du médecin-conseil (=« aptitude à l’essai encadré ») et délivré par le médecin du travail (à la demande de l’assuré après évaluation de sa situation par le service social). Il peut être proposé par le SPST, le service social, les Organismes de Placement Spécialisés (Cap Emploi).

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