La newsletter Sémaphores - Mars 2024 - La refonte des redevances des agences de l’eau

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Mars 2024

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La refonte des redevances des agences de l’eau : une incitation accrue à la performance technique des services publics d’eau et d’assainissement par le levier du prix assigné à l’usager

La newsletter Sémaphores - Mars 2024 - La refonte des redevances des agences de l’eau

Les agences de l’eau sont des établissements publics qui participent à la gestion de l’eau sur une circonscription administrative dont les limites correspondent à un bassin hydrographique. L’ensemble du territoire national est ainsi couvert par 6 agences de l’eau. Chaque agence de l’eau a ainsi pour mission, sur sa circonscription, d’encourager une utilisation rationnelle des ressources en eau, la lutte contre la pollution et la protection des milieux aquatiques, en apportant notamment des aides financières aux initiatives prises par les collectivités locales et les porteurs de projets privés (industriels et agriculteurs, pour l’essentiel) en matière de production d’eau potable de qualité, de procédés de production plus économes, d’épuration des eaux ou encore de restauration des milieux aquatiques.
Pour assurer le financement de ces actions, les agences de l’eau perçoivent auprès des usagers un panel de redevances, instituées par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 (LEMA), et déterminées en application des principes de prévention et de réparation des dommages causés à l’environnement. Ces redevances représentent un total de plus de 2 Mds € chaque année.
Les deux principales sources de revenus des agences de l’eau sont les redevances assises sur les consommations des usagers des services d’eau potable (redevance pour pollution de l’eau d’origine domestique) et leurs assiettes de redevance d’assainissement collectif (redevance pour modernisation des réseaux de collecte). Ces deux redevances représentent à elles seules environ ¾ des ressources des agences de l’eau. Leur mécanisme de perception est inchangé depuis 2008 :

  • Chaque année l’agence de l’eau notifie aux distributeurs d’eau (régies publiques et entreprises) un tarif unitaire par mètre cube applicable aux factures adressées aux usagers ;
  • Le distributeur met en recouvrement la redevance auprès des usagers ;
  • À l’issue d’un processus déclaratif, le distributeur reverse à l’agence de l’eau les sommes encaissées auprès des usagers.

Étudions en quoi la loi de finances 2024 bouleverse la fiscalité environnementale pesant sur les usagers des services d’eau potable et d’assainissement, et leurs opérateurs :

La loi de finances 2024 introduit une profonde évolution des ressources des agences de l’eau, qui a pour objet d’adapter cette fiscalité environnementale aux enjeux relatifs à la pollution et à la raréfaction de la ressource en eau : elle vise à renforcer les principes pollueur-payeur et préleveur-payeur, tout en rééquilibrant la charge fiscale sur l’eau pesant sur les différentes catégories de redevables.
S’inscrivant dans la continuité du Plan eau annoncé par le Président de la République en mars 2023, elle permettra également d’augmenter de 325 M€ en année pleine à partir de 2025 les ressources des agences de l’eau et d’assurer le financement des mesures du Plan eau.
Un premier projet de réforme avait déjà été avancé au cours des années précédentes mais avait soulevé une vive opposition auprès des associations d’élus et de collectivités.
Quatre évolutions sont apportées au financement des agences de l’eau ; la principale d’entre elles va directement impacter, à compter du 1er janvier 2025, les collectivités territoriales compétentes en eau potable et en assainissement collectif, ainsi que les sociétés en charge de la facturation des abonnés de ces services.

Elle consiste en la suppression des actuelles redevances pour pollution d’origine domestique et pour modernisation des réseaux de collecte, qui s’accompagne, en parallèle, de la suppression de la prime pour performance épuration, jusqu’alors versée par les agences de l’eau aux collectivités en fonction des performances de leur station d’épuration.

En leur lieu et place, 3 nouvelles redevances sont instaurées :

  • Redevance sur la consommation d’eau potable

Cette redevance sera due par chaque usager final du service eau potable, qu’il soit domestique ou industriel.
Son principe de perception est inchangé par rapport au mécanisme actuel de la redevance pour pollution de l’eau d’origine domestique (mise en recouvrement par la régie ou la société exploitante en charge de la facturation des abonnés du service et reversement à l’Agence des sommes encaissées), mais son régime est simplifié par la suppression des nombreux cas d’exonération et de plafonnement qui prévalaient jusqu’alors. En pratique, seule subsistera l’exonération des volumes utilisés pour l’élevage s’ils font l’objet d’un comptage spécifique.
Enfin, le législateur a relevé de 0,50 €/m3 à 1,00 €/m3 le tarif maximal susceptible d’être déterminé par l’agence de l’eau pour cette redevance. L’objectif assumé du législateur est « d’accentuer le signal‑prix associé à la consommation d’eau potable ».

  • Redevances pour la performance des réseaux d’eau potable et redevances pour la performance des systèmes d’assainissement collectif

À l’instar de l’actuelle redevance pour prélèvement sur la ressource en eau, ces deux nouvelles redevances seront à la charge des collectivités respectivement compétentes en eau potable et en assainissement collectif.
Chaque redevance constituera donc une charge du budget annexe de la collectivité, à couvrir par la tarification du service.
Les tarifs de ces redevances seront déterminés par chaque agence de telle manière que leur recette prévisionnelle globale ne dépasse pas 50 % des recettes prévisionnelles de la redevance sur la consommation d’eau potable.
Le montant de la redevance pour la performance des réseaux d’eau potable mise à la charge de chaque collectivité sera le résultat de la formule suivante :

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COperf est le coefficient de performance. Modulé entre 0 et 0,55, il sera déterminé par l’Agence, pour chaque collectivité compétente, en fonction de la somme des fuites et des volumes consommés sans comptage, rapportés le cas échéant à la longueur du réseau, et à la densité d’abonnés.

COges-pat est le coefficient de gestion patrimoniale. Modulé entre 0 et 0,25, il sera déterminé par l’Agence, pour chaque collectivité compétente, en fonction du niveau de connaissance du réseau d’eau potable et de la programmation d’actions visant à améliorer et pérenniser ses performances.

Le montant de la redevance pour la performance des systèmes d’assainissement collectif mise à la charge de chaque collectivité sera quant à lui le résultat de la formule suivante :

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Le coefficient de modulation global sera déterminé par l’Agence à l’échelle de chaque système d’assainissement de chaque collectivité, en tenant compte, de 3 paramètres :

  • Le coefficient d’autosurveillance. Modulé entre 0 et 0,3, il sera déterminé par l’Agence pour chaque système d’assainissement de chaque collectivité compétente, en fonction de la validation ou de l’existence de l’autosurveillance de ce système, et de critères adaptés à la taille de celui-ci.
  • Le coefficient de conformité réglementaire. Modulé entre 0 et 0,2, il sera déterminé par l’Agence pour chaque système d’assainissement de collectivité compétente, en fonction de la conformité réglementaire du système appréciée à partir de critères adaptés aux prescriptions techniques applicables à ce système.
  • Le coefficient d’efficacité. Modulé entre 0 et 0,2, il sera déterminé par l’Agence pour chaque collectivité compétente, en fonction du fonctionnement du système, apprécié à partir de critères adaptés à la taille de ce système.

Il sera ensuite agrégé à l’échelle de la collectivité en pondérant le coefficient de modulation obtenu pour chaque système d’assainissement par la charge entrante en demande chimique en oxygène pendant l’année écoulée.

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À la faveur de cette réforme, il faut retenir qu’à compter du 1er janvier 2025, la sous-performance au regard de ses indicateurs techniques de performance, d’une collectivité compétente en eau ou en assainissement ou de son opérateur, aura désormais une incidence sur le tarif à voter par la collectivité, et à assumer vis-à-vis de l’usager (le texte ne prévoyant pas, à ce stade, de mécanisme de contre-valeur permettant de retranscrire, dans la facture payée par l’usager, la part de cette redevance dans le tarif).
A contrario, un réseau d’eau potable à l’optimum pourrait bénéficier d’un abattement de 80 % sur sa redevance pour performance des réseaux d’eau potable, tandis qu’un système d’assainissement à l’optimum pourrait bénéficier d’un abattement de 70 % sur sa redevance pour performance des systèmes d’assainissement collectif.
La structure budgétaire des collectivités concédantes ainsi que les flux financiers entre les collectivités concédantes et leurs opérateurs s’en trouveront également impactés, la part de la redevance collectivité pour le compte de la collectivité dans le total des sommes recouvrées auprès des usagers étant appelée à fortement augmenter.

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