Tensions sur le logement dans les territoires touristiques :
au-delà des expériences pour assurer une maitrise, le besoin d’une réglementation adaptée
L’été 2022 a non seulement marqué le retour du niveau de fréquentation touristique d’avant-crise en France, mais il a également réaffirmé la position, à la fois de la France sur le marché international du tourisme, et du tourisme dans l’économie française. Pour autant, le développement de l’hébergement touristique non-marchand (nous entendons la location de biens privés dans une logique de particulier à particulier) génère une tension toujours plus forte sur le parc immobilier et la capacité d’habiter sur le territoire. Ainsi, sur le seul mois de juillet 2022, les seuls résidents français ont passé 79,7 millions de nuitées dans de l’hébergement marchand et 62,5 millions de nuitées dans de l’hébergement non-marchand. Un constat qui questionne de plus en plus les pouvoirs publics dans un contexte général de crise du logement.
En 2023, la France compte 4 millions de résidences secondaires dont 700 000 à 800 000 sont identifiées comme des logements meublés de tourisme, plaçant le pays à la première place du classement du nombre de résidences secondaires par habitant. En parallèle les prix de l’immobilier ont augmenté de 38,5 points sur les 5 dernières années selon la FNAIM. Une tension sur l’habitat et le foncier qui va en s’amplifiant à l’aune d’une véritable crise du logement, interprétée par certains observateurs comme la prochaine crise sociale majeure du pays.
Le dessein de sobriété foncière, les enjeux de croissance du parc de logements, les objectifs de logements sociaux et d’accession à la propriété sont autant de composantes qui semblent en contradiction avec le développement du logement de tourisme, en particulier dans les communes touristiques où l’on constate un taux moyen de 36% de résidences secondaires.
Face aux déséquilibres que le développement des meublés de tourisme entraîne, les maires de communes littorales et de montagnes essaient de mobiliser des leviers pour protéger leur parc de logements de la disruption des plateformes de locations entre particuliers (Airbnb, HomeToGo, etc.). Les initiatives des communes de Bidart (majoration de 60% de la taxe d’habitation pour les 1200 meublés de tourisme « inoccupés plusieurs mois par an »), Saint Malo (encadrement de l’activité Airbnb par quotas), Lannion (aide à la création de logements pour saisonniers – 60% de remboursement dans la limite de 4000€), de la communauté d’agglomération du Pays basque (mesure compensatoire – pour louer en saison, un logement équivalent doit être mis en location à l’année), mais aussi de la ville de Paris (régime compensatoire, encadrement des transformations de locaux commerciaux, opérations de contrôle dans les zones d’hyperconcentration touristique) témoignent de la nécessité impérieuse de développer une réglementation structurante et des leviers opérationnels. La législation nationale limite toutefois fortement les marges de manœuvre des collectivités. Mais depuis quelques années, il semblerait que les élus nationaux se soient saisis de la question.
Il n’existe pas à ce jour de définition juridique de « zone touristique tendue ». C’est au regard de cela qu’a été lancée en février 2022 une mission interministérielle : « Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental ». Le rapport publié à l’été 2022, s’attache à objectiver statistiquement les spécificités des communes touristiques et du caractère de « touristicité » : activité économique saisonnière, tensions immobilières, caractéristiques singulières du parc de logement, enjeux fiscaux et parcours résidentiels complexifiés sont autant d’attributs utilisés pour donner une définition aux communes touristiques. Une série de 17 propositions accompagne le rapport de la mission interministérielle et permet d’entrevoir le futur de l’activité législative structurante pour le futur de ces territoires.
Dans la même veine, à l’occasion de l’examen du Projet de loi de finance pour 2023, le Sénat a discuté de leviers supplémentaires à proposer aux collectivités pour encadrer les résidences secondaires (décorrélation des taux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et les taxes foncières, supression d’abattements fiscaux…). Ces propositions n’ont néanmoins pas été intégrées et les sénateurs ont conclu les débats par une avancée minime permettant l’augmentation dans la limite de 25% de la taxe sur les résidences secondaires.
Plus récemment, deux propositions de loi transpartisanes portées, d’une part par des députés Socialistes et apparentés (Proposition n°853 du 14 février 2023) et d’autre part par des députés Renaissance (Proposition n°1176 du 28 avril 2023) ont animé les discussions des parlementaires sur le sujet. De nouvelles modalités d’action ont été présentées (révision de la fiscalité des régimes micro-BIC, encadrement des locations meublées et contrôle plus strict des nuitées ou encore mobilisation de nouveaux leviers fiscaux à la main des collectivités). Malgré la forte activité législative autour du sujet, l’examen de ces textes de loi a été repoussé dans l’agenda parlementaire à la prochaine semaine transpartisane sans garanties et sans détails particulier permettant d’assurer l’examen des textes dans un futur proche.
Dans l’attente d’avancées décisives sur le sujet, l’été 2023 sera encore marqué par d’importantes tensions sur le marché immobilier dans les zones touristiques. De son côté, Sémaphores reste à l’écoute des développements législatifs, des retours d’expérience et des initiatives portées sur le territoire afin d’accompagner efficacement nos clients dans leurs politiques du logement et de l’habitat.