La newsletter Sémaphores - Décembre 2023 - Les nouveaux défis des participations des collectivités locales dans les concessions d'aménagement

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Décembre 2023

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Les nouveaux défis des participations des collectivités locales dans les concessions d’aménagement

La newsletter Sémaphores - Décembre 2023 - Les nouveaux défis des participations des collectivités locales dans les concessions d'aménagement
La newsletter Sémaphores - Décembre 2023 - Les nouveaux défis des participations des collectivités locales dans les concessions d'aménagement
Analyse et décryptage par François Jacques,
Directeur Associé Sémaphores en charge des EPL

François Jacques, comment sont traitées les participations des collectivités locales aux concessions d’aménagement ?

Une collectivité locale peut participer financièrement aux opérations d’aménagement concédées à une entreprise publique locale. Cette participation financière est, le plus souvent, essentielle pour soutenir financièrement des opérations qui impliquent d’importants investissements et qui ne peuvent pas uniquement s’équilibrer avec les cessions de charges foncières.
Le traitement comptable et le régime fiscal des participations ont été récemment modifiés et les évolutions apportées bouleversent les pratiques mises en œuvre par les professionnels depuis 20 ans.

Commençons par les modifications comptables, quelles sont-elles ?

Depuis 2008, les participations d’équilibre étaient comptablement traitées comme des subventions d’investissement consenties par les collectivités locales concédantes. En conséquence, ces participations étaient inscrites en section d’investissement, au compte 2042, puis donnaient lieu à un amortissement qui se situait entre 5 et 30 ans selon le projet financé. Pour les collectivités locales, ce traitement qui avait du sens, le projet d’aménagement financé contribuant à accroître l’attractivité du territoire, était également beaucoup moins contraignant qu’un impact en budget de fonctionnement.
Le Collège du Conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP) a adopté et publié en avril 2021 le recueil de normes comptables pour les entités publiques locales. La norme 22 rétrécit le champ des subventions ou participations pouvant être considérées comme des immobilisations incorporelles. Elle précise que « les subventions d’investissement versées qui répondent à la définition d’un actif sont de même nature économique que des opérations de financement direct : un lien doit pouvoir être établi entre la subvention octroyée et l’immobilisation acquise ou créée par l’entité bénéficiaire. L’entité publique locale versante doit être en capacité de suivre l’existence de ce lien. »
À la suite de la publication du recueil de normes comptables, qui donne les grands principes, la Direction Générale des Finances Publiques a mis à jour, le 03 septembre 2021, sa doctrine et a précisé que les participations qui ne sont pas affectées à la remise d’un équipement public sont à inscrire dans les charges de fonctionnement de la collectivité locale qui attribue le financement. Ainsi, les participations d’équilibre ou les participations au coût global sont à enregistrer en dépenses de fonctionnement.
Compte tenu de ce changement de méthode comptable, les collectivités locales concédantes vont probablement chercher à diminuer les participations d’équilibre, et, symétriquement à maximiser les participations affectées à la remise d’équipements publics.

 Oui, c’est bien la tendance, mais dans cette situation, les collectivités locales ne risquent-elles pas des frottements fiscaux ?

Oui, il y a un risque réel de surcoût fiscal.
Pour bien le saisir, il est important de revenir aux schémas qui prévalaient depuis le début des années 2000 : Collectivités et EPL sont naturellement les acteurs majeurs du programme Cœur de Ville. Une partie des participations étaient affectées à la remise d’équipements publics. Ces participations étaient soumises à TVA. Cependant, les collectivités locales pouvaient bénéficier du FCTVA (Fonds de Compensation de la Taxe sur la Valeur Ajoutée), grâce à l’article L. 1615-11 du CGCT. Ce dispositif introduit par la loi sur les SEM de l’année 2000 permettait de neutraliser la fiscalité de l’opération.
Dans le cadre de la mise en place de l’automatisation du FCTVA, l’article 249 de la loi de finances pour 2021 a abrogé cette disposition. On a expliqué, à l’époque, aux collectivités locales que ce serait sans impact. Cependant la procédure automatisée contrarie en profondeur la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 300-5 II, qui permettent l’échelonnement du versement de la participation en tranches annuelles lorsque ces acomptes sont affectés à la remise d’un équipement public non encore remis à la date du versement de l’acompte sur participation.

Concrètement, comment cela se passe pour les collectivités concédantes ?

Très souvent, afin de préfinancer l’opération d’aménagement, les collectivités locales concédantes versent des acomptes ou avances de participations avant la remise de l’équipement public par la concessionnaire. Ces dépenses sont, en principe, comptablement inscrites sur un compte 2764 d’immobilisations financières. Lors de l’intégration de l’équipement dans le patrimoine de la collectivité, les participations sont reclassées, par une écriture d’ordre, du compte 2764 au compte 21x immobilisations corporelles. Or, les dépenses inscrites par écriture d’ordre ne sont pas éligibles au FCTVA. Seules les écritures réelles peuvent donner lieu à FCTVA[1].
Dans une telle situation, une partie très importante des participations versées par les collectivités locales risque de ne pas être éligible au FCTVA et entraîner un surcoût fiscal de 20%.

Peut-on éviter ces frottements fiscaux ?

Des solutions sont effectivement possibles et Sémaphores propose des solutions :  nous accompagnons de nombreux territoires et leurs EPL concessionnaires pour s’adapter à ces mutations.
La première étape consiste à prendre conscience du bouleversement qui s’est opéré et de ses impacts potentiels si on ne change rien aux schémas qui prévalaient jusqu’alors.
La seconde étape a vocation à bien analyser les situations, les traitements comptables et fiscaux retenus, traitements qui, l’expérience le montre, peuvent être très différents d’une collectivité à une autre, voire d’une opération à une autre.
La troisième étape vise à proposer des solutions adaptées qui peuvent par exemple consister à adapter les modalités de préfinancement et les modalités de remise des ouvrages.
La quatrième étape consiste à accompagner la mise en œuvre des solutions, ce qui passe le plus souvent par une adaptation des dispositions conventionnelles et des mécanismes de financement.

Des annonces positives ont eu lieu en octobre sur le FCTVA. Vont-elles changer la donne ?

Bruno Le Maire, Thomas Cazenave et Dominique Faure ont effectivement annoncé l’extension du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée aux aménagements de terrains.
Si le budget 2024 FCTVA de l’État est accru, d’environ 400 M€, cette extension du dispositif a un périmètre assez restreint qui vise à soutenir les opérations d’aménagement de terrains sportifs, à moins d’un an des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024, ou encore les opérations d’aménagement d’espaces verts et naturels, en lien avec les efforts de renaturation dans le cadre du fonds vert et de la transition écologique. Ainsi, seules les dépenses d’aménagement de terrain inscrites au compte 212 seront éligibles à partir de 2024.
En revanche, les dépenses d’acquisitions de terrains inscrites au compte 211 restent inéligibles au FCTVA. Les risques de déperdition du FCTVA sur les remises d’équipements publics, évoqués précédemment, restent par ailleurs les mêmes.
Compte tenu de l’inéligibilité récente des acquisitions de terrains au FCTVA, nous recommandons désormais de ne pas valoriser les assiettes de foncier des équipements remis aux collectivités locales dans le cadre de participations affectées et, comme évoqué précédemment, nous recommandons d’adapter les mécanismes de préfinancement des opérations d’aménagement et de remises des équipements publics.

[1] A l’exception de l’écriture d’ordre du 238 au 21x

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